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Fais pas genre

Épisode 01

L’identité de genre n’a jamais été aussi présente qu’aujourd’hui dans les médias. Souvent pour la condamner. Mais c’est quoi l’identité de genre ?

L’intention de ce podcast est d’éveiller (ou réveiller) en vous des questions. Afin de permettre une accessibilité et une inclusivité maximales, vous trouverez ci dessous l’intégralité du script de l’épisode. Même si je vous invite évidemment à l’écouter si possible.
En bas de page vous trouverez une liste des ressources que j’ai consultées lors de l’écriture de cet épisode ainsi que des recommandations diverses que j’aimerais vous faire sur le sujet afin d’éventuellement compléter votre compréhension de celui ci.

Transcription de l'épisode

Bonjour,

Je me présente : Simon, 41 ans, blanc, homme et hétéro. Enfin… homme… je pense que le plus juste serait de dire “assigné homme à la naissance”.

Pourquoi est-il à mes yeux nécessaire de faire cette précision ?

Parce que si vous me demandez ce qui fait de moi un homme, je suis bien incapable de vous répondre.

Je n’en serai pas vraiment capable non plus si vous me demandez ce que signifie être un homme d’ailleurs. Ou être une femme.

Car si l’on se refuse à confondre genre et sexe (et bien sûr que nous le faisons), en dehors des stéréotypes et constructions sociales, que reste-t-il ?

Nous accorderons à Wikipedia le crédit qu’il mérite et pas plus, mais il est intéressant de noter que l’article “identité de genre” est bien indiqué comme ne devant pas être confondu avec l’”identité sexuelle”. Il continue sur ces mots :

En sciences sociales, le sexe ou le type sexuel d’une personne désigne les caractéristiques biologiques (génétique, chromosomes, hormones, notamment) et le genre renvoie à une construction sociale. L’identité de genre peut être non alignée sur l’identité sexuelle. Elle est également distincte de l’orientation sexuelle (hétérosexualité, bisexualité, pansexualité, homosexualité, etc.). Le terme « identité de genre » est généralement préféré (par exemple, dans des recommandations européennes) au terme lié d’« identité sexuelle », pour éviter une confusion avec l’orientation sexuelle ou pour centrer le caractère masculin ou féminin sur le seul facteur du ressenti de la personne, et non sur ses caractéristiques biologiques.

La transidentité et les études du genre sont aujourd’hui de plus en plus présentes dans les débats publics. Hélas, elles sont dans l’écrasante majorité des cas stigmatisées. Elles dérangent, car elles sortent des schémas établis et bousculent les bases du patriarcat sur lesquelles notre société capitaliste s’appuie.

Les identités sont multiples, et bien décidées à être reconnues pour ce qu’elles sont ; légitimes et utiles au bien-être des concerné·e·s.

Tout ceci peut vous paraître complexe, et malgré votre ouverture d’esprit, sur ce thème, peut-être vous sentez-vous malgré tout un peu dépassé·e·s ? Si vous désirez en apprendre un peu plus sur le sujet, rendez-vous dans les notes de l’épisode pour trouver de nombreuses ressources.

Bon, vous vous sentez prêts et prêtes pour la suite ? Alors je continue.

Je suis né avec un pénis. On m’a donc, comme notre société tient à le faire, genré homme. C’est un genre qu’on m’a assigné à la naissance. Je pourrais utiliser l’abréviation AMAB pour “assigned male at birth”, “assigné homme à la naissance”. On m’a élevé et inculqué les codes de mon genre, accordé la multitude de privilèges qui vont avec, et j’ai donc grandi comme cela.

Je suis né avec un pénis. On m’a donc, comme notre société tient à le faire, genré homme. C’est un genre qu’on m’a assigné à la naissance. Je pourrais utiliser l’abréviation AMAB pour “assigned male at birth”, “assigné homme à la naissance”. On m’a élevé et inculqué les codes de mon genre, accordé la multitude de privilèges qui vont avec, et j’ai donc grandi comme cela.

Cela n’empêche que je ne me sois jamais senti “homme”.

Avant, je regardais les autres personnes à pénis, ou du moins assignées ou affirmées “homme”, car c’était un peu ma seule référence au vu du modèle dans lequel on m’a construit, et je ne me voyais pas grand-chose de commun avec eux. Pourquoi mes organes génitaux semblables aux leurs devraient-ils me contraindre à devenir comme eux ?

Pourtant, je m’y suis plié. Longtemps. Du moins en partie. Pas assez pour eux. Mais déjà trop pour moi. Une enfance et une adolescence compliquées. Du rejet. De l’incompréhension. Beaucoup de solitude. Parfois même de la violence.

Jusqu’à un moment de “trop”. Un trop plein. Une histoire que j’ai déjà souvent entendue, contée par d’autres. On décide d’embrasser cette image qu’on nous impose. À la faveur d’un changement d’établissement scolaire, j’ai tenté de devenir “un homme” comme ils disent. J’ai joué toutes les cartes selon les règles. J’ai même gagné de nombreuses parties. Mais je me suis détesté. J’étais à ce moment charnière entre l’adolescence et le passage à l’âge adulte, et j’ai compris que cela ne fonctionnait pas pour moi. Alors, j’ai commencé un long, très long chemin.

Un chemin où j’ai oublié ce qu’on m’avait appris. Un chemin où j’ai essayé de comprendre qui j’étais. Mais la question du genre était encore trop ancrée autour de moi. Alors j’ai juste essayé d’être “un homme pas comme les autres”.

Je ne me suis jamais senti “homme”, mais je ne me suis jamais senti “femme” non plus. Peu importe le genre, des stéréotypes s’imposent à nous. Des attentes. Des projections. Résultat de constructions sociales. Mais même si je comprends qu’on puisse y trouver du sens, je ne me reconnais dans aucune…

Il aura fallu attendre l’aube de mes quarante ans pour que la lumière s’installe doucement dans mon esprit. Une lumière que j’ai laissé grandir dans l’ombre d’un moment difficile que je traversais alors. Ce moment difficile, il n’était finalement pas vraiment étranger à mon genre assigné. Inconsciemment, j’avais encore reproduit les stéréotypes masculins, comme ma famille me l’avait si bien appris. Comme ma relation précédente l’avait fait aussi. Et pour la dernière fois, mon genre assigné allait être la cause d’une perte importante dans ma vie. Une rupture grave.

Depuis lors, j’ai travaillé sur moi. J’ai analysé. J’ai construit autre chose. Pour devenir la personne que je suis maintenant. Une personne qui n’obéit plus aux injonctions des stéréotypes de son genre assigné à la naissance.

Cela ne fait pas de moi une meilleure personne que quiconque. Cela n’efface pas mes erreurs passées. J’en ferai probablement d’autres d’ailleurs.

Je ne suis pas un homme. Je ne suis pas une femme. Je ne suis pas un mélange des deux. Je ne comprends pas comment appliquer la notion de genre à qui je suis.

Tout simplement.

Il n’y a pas de moyen de me genrer sans me limiter. Sans me contraindre. Sans m’imposer des comportements, intentions, fonctionnements qui ne sont pas les miens. Je n’ai pas de genre. Je suis juste moi. Une personne sur le spectre de la non-binarité, et agenre, pour être plus précis·e.

Alors les personnes qui interagissent régulièrement avec moi vont me demander “Qu’est-ce que cela change ? Comment dois-je modifier la façon dont je m’adresse à toi pour respecter ceci ?”. Et je vais juste vous dire que si vous m’êtes déjà proches, c’est que vous n’avez rien à changer. Il y a longtemps que j’ai arrêté de m’entourer de personnes qui ne me respectent pas. Si vous êtes là, ne changez rien.

Je ne changerai d’ailleurs pas de prénom, car si mes organes génitaux ne conditionnent pas qui je suis, il n’y a pas de raison qu’une suite de lettres changent quelque chose. Donc je resterai Simon. Même si depuis déjà + de 20 ans beaucoup m’appellent Maune. Le choix est vôtre.

Peu m’importe le pronom utilisé, peu m’importent les accords. Tout me va, tant que vous me respectez pour qui je suis. Pour ma part, je vais probablement commencer à naviguer entre le neutre et le masculin, par la force de l’habitude, même si j’ai la ferme intention de faire acter légalement cette décision à l’état civil à terme.

Par contre, je vous demande de ne voir aucun courage dans la déclaration que je fais aujourd’hui. Car il ne m’en a fallu aucun. Je reste une personne blanche, genrée homme au premier regard (ce que l’on appelle un “passing masculin”), je vais garder la multitude de privilèges qu’on m’a octroyés par défaut. Le fait que je ne les ai pas demandés ne m’autorise pas à les nier. Ma vie restera tellement plus facile que celle de toutes les personnes touchées par le racisme, le sexisme, l’homophobie et la transphobie pour ne citer que ces combats. Si je fais ce témoignage, c’est uniquement pour être en accord avec moi-même. Pour aider les autres à comprendre qui je suis. Peut-être en aider d’autres à comprendre qui iels sont. Car il m’a fallu 41 ans pour construire qui je suis, et je n’en rougis pas. J’essaierai “juste”, comme toujours, de mettre mes privilèges au profit de quelque chose de plus grand que moi, pour donner la parole aux personnes qui l’ont trop peu. En faisant de mon mieux pour la fermer quand je risque de voler la lumière à celleux qui l’ont trop rarement.

Il me reste d’ailleurs un point à éclaircir avec moi-même ! Je vous disais en début de podcast que je suis hétéro. J’avais tendance à me définir parfois comme un hétéro flexible, ou un bi potentiel qui n’a peut-être juste jamais rencontré un homme qui puisse le séduire. Mais comme je n’ai pas de genre, cela m’interroge sur ce point et la réalité et profondeur de mes attirances. Les mois à venir vont encore être chargés de réflexions, je ne manquerai pas de faire un autre épisode pour en parler avec vous.

Sur ce, je vous dis au revoir.

Votre podcasteurice dévoué·e.

Simon