Épisode 07
S’il est une décision qui a un impact quotidien sur ma vie, c’est bien celle de suivre mes conceptions autour de la cause animale en devenant vegan.
Transcription de l'épisode
Le 1er mai est pour moi une date anniversaire. Le souvenir du jour où j’ai mis en action ma décision de devenir vegan, il y a 5 ans maintenant, en 2017.
Vous l’avez deviné, je vais vous parler de cause animale, mais je n’ai pas l’intention de pratiquer quelque prosélytisme, rassurez-vous. Comme toujours, je vais juste parcourir avec vous mes souvenirs et me remémorer comment cette question s’est imposée dans ma vie. Cela va prendre un peu de temps à vous raconter, mais je pense qu’il est intéressant d’avoir tout cela à l’idée avant de réfléchir, en fin d’épisode, à la situation actuelle.
Ceci n’était que l’histoire d’une décision. Mais ce qui est intéressant, je pense, c’est tout ce qui l’accompagne. Et c’est cela que je développerai dans quelques instants.
La question de la cause animale n’est pas nouvelle dans ma vie. Elle m’a souvent interrogé.
Le végétarisme me semblait une excellente chose à faire, sans pouvoir m’y résoudre. Traîner dans des festivals hardcore remplis de vegans et végétariens, les textes des groupes, tout cela me semblait la chose à faire mais… cela demandait trop d’efforts.
Il faudra attendre 2009 pour que je partage ma vie avec ce qu’on appelle une pesco-végétarienne, ce qui veut dire que, contrairement aux végétarisme, elle conservait dans son alimentation la chair des poissons et autres fruits de mer.
Elle n’était pas du tout culpabilisatrice. Elle cuisinait même pour moi la viande que je mangeais. Une réalité pour laquelle je m’en veux avec mon regard d’aujourd’hui, car j’en serais bien incapable. Mais j’avais encore les yeux bien trop fermés.
S’ensuivent alors 7 années au même rythme. Ponctuées de plats végétariens contre lesquels je n’avais rien à redire ! Mais l’idée ne voulait pas s’installer en moi pour autant.
Dans ma tête, le végétarisme était une idée qui m’attirait , mais j’avais l’impression que c’était un objectif que je ne pourrais jamais atteindre. Et j’avais une excellente excuse pour ça : je suis particulièrement difficile en ce qui concerne la nourriture.
Une belle excuse bien pratique derrière laquelle je me cachais. Même si elle reste absolument véridique. Pour vous dire, j’ai dressé une liste des aliments que je mange car c’était beaucoup plus simple et court que de dresser une liste de ceux que je ne mange pas. Et croyez moi… Elle ne demande pas beaucoup de temps pour être parcourue.
Comment devenir végétarien quand la totalité des fruits et légumes que vous pouvez manger tient au mieux sur 3 post-its ? Et quand je dis “pouvez manger”, je n’exagère pas ! Je suis incapable de manger quoi que ce soit qui ne soit sur cette liste. Mais c’est, je pense, une autre question à explorer plus tard.
7 années passent donc, mais sur les derniers mois, la question s’affirmait de plus en plus fort. À force de conversations avec ma partenaire, qui avait de plus en plus envie de passer à un végétarisme strict, la réalité de mon non choix me pesait, même si j’y confrontais toujours mon incapacité à transitionner au vu de mes contraintes alimentaires.
Et puis un jour… la réalité m’a frappé·e. Perdu·e dans les rayons d’un supermarché pendant que ma partenaire choisissait des protéines végétales, je me suis mis·e à compter tous les produits disposés dans ce frigo qu’elle m’avait déjà fait goûter et que j’avais beaucoup aimés.
35.
35 protéines différentes alignées devant moi.
Cela signifie que je pourrais manger quelque chose de différent chaque jour pendant un mois sans faire aucun effort.
Face à cette réalité… Impossible de ne pas craquer. Une énorme sensation d’hypocrisie s’était emparée de moi et il était évident que cette excuse ne me satisferait dorénavant plus. Sur le chemin du retour, mon cerveau tournait en boucle et le soir même, j’annonçais à ma partenaire que j’avais envie d’entamer une transition vers une alimentation végétale.
J’aimerais, lui dis-je, devenir pesco-végétarien·ne pendant 1 an ou 2. Le temps qui me semblerait nécessaire à me préparer à devenir végétarien·ne stricte. J’ironisais même en disant “peut-être même vegan dans 10 ans” et nous riions toustes 2 de bon coeur à cette idée.
Il n’aura pas fallu plus d’une semaine avant que je remette tout en question. Le poisson que je mangeais était aussi vivant qu’un poulet auparavant… Alors il devint évident que j’allais, bien plus rapidement que prévu, suivre ma compagne dans son végétarisme strict.
La machine était lancée… et cette machine, c’est mon maudit cerveau. Lui qui a besoin de creuser, évaluer, s’informer…
Deux semaines plus tard, nous nous posions pour réfléchir. Commencer à creuser la question de la cause animale nous avait ouvert à trop de réalités et l’incongruité de choisir les souffrances que nous tolérions ou non devint trop forte.
Il était temps pour nous de devenir vegans.
Il ne se sera donc écoulé que 3 bonnes semaines entre ce jour de mars où je mettais le dernier morceau de viande dans ma bouche et celui où nous décidions de proscrire tout produit d’origine animale de notre vie. Mais conscient·e·s de ne pas vouloir gaspiller ce qui trainait encore dans nos placards, il nous restait encore des produits à consommer avant de pouvoir nous affirmer comme tel·le·s.
Et ce fût donc fait, le premier mai 2017. Cette chose dont je m’étais fait une montagne pendant si longtemps n’avait finalement été qu’une formalité, et je n’ai jamais regretté depuis.
Peu de choses vraiment notables dans cette transition finalement. Même si elle a été très rapide et que j’ai conscience que ce n’est pas un parcours très commun.
Mais une fois vegan, à quoi cela ressemble ?
Faire une transition vers le véganisme se fait, je pense, assez rarement sans l’envie de creuser.
S’informer.
Lire de nombreux articles ou livres, consulter des chaînes YouTube pour nous conforter dans notre choix et renforcer notre conviction.
Cette transition a été douce pour moi, mais je pense que beaucoup de personnes ont vraiment besoin de se sentir appartenir à quelque chose de plus grand, surtout dans les jours difficiles où on a envie de ‘flancher”, car pour certaines personnes, beaucoup même apparement, c’est un processus qui peut être compliqué.
Et nous sommes passé·e·s par cette étape ! Nous avons lu, regardé, écouté, … autant de biais de confirmation de notre choix que possible, et cela nous a fait énormément de bien.
C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai découvert un podcast sur le véganisme.
Les Carencés.
Passionné·e par leur propos, et après les avoir approché·e·s, j’ai finalement rejoint l’équipe en tant que monteur·euse et y ai rencontré parmi elleux et leur entourage direct, des personnes qui sont particulièrement importantes dans ma vie encore aujourd’hui.
Mais ce besoin d’en savoir plus… c’est aussi une réaction de survie !
Comme nous en avons déjà parlé lors de l’épisode 2, “Moi, je pourrais pas”, prendre une décision aussi marginale place automatiquement une personne fraîchement vegan dans la position de l’opposant·e. Cela crée une perturbation dans les groupes et amène de nombreuses questions. D’ailleurs, ce choix “personnel” que l’on fait, on peut difficilement le dissimuler au vu des contraintes que cela implique dans la vie en communauté. Que ce soit au moment d’aller manger dehors avec des amis ou se faire inviter à dîner. S’ensuivent alors des débats pour lesquels il vaut mieux être un minimum préparé·e. Inévitablement, l’entourage va questionner. On peut même dire remettre en question. Les blagues ne tardent pas à arriver. Toujours les mêmes blagues… Mais ce qui provoque ces blagues, souvent, c’est le malaise ressenti par ces personnes une fois confrontées à un choix qu’elles ne veulent pas avoir la sensation de faire, car elles sont conscientes que leur actions ne collent pas avec ces valeurs qu’elles pensent pourtant défendre.
Mais il y a aussi un autre versant à cette soif d’en apprendre plus ; on ressent cette étrange (et fausse) impression que si nous n’avons pas fait ce choix plus tôt, c’est parce que “ nous ne savions pas ” ! Et l‘envie de partager se transforme vite en besoin d’informer. De gré ou de force. Niant la réalité que nous avons volontairement détourné notre regard, nous aussi, des centaines de fois.
“ Maintenant, je sais, donc maintenant, vous devez toustes savoir et changer comme moi ! ”
C’est l’étape prosélyte, dont nombre de personnes ne sortent hélas jamais. Une étape compliquée où on a tendance à oublier que quelques semaines, mois ou années plus tôt, nous n’avions, nous non plus, pas pris cette décision.
C’est un moment pendant lequel, on est tenté·e de détester tout le monde. “ La masse aveugle et sourde à la souffrance animale ”. On regarde nos ami·e·s d’un œil neuf. Ces personnes que nous aimons n’ont-elles pas de cœur ? C’est un moment vraiment douloureux dans lequel on oublie qui nous avons été.
Je pense qu’il est important de ne pas oublier que faire un meilleur choix, cela ne fait pas de nous une meilleure personne. Juste une version de nous-mêmes qui a fait un meilleur choix.
Il faut rester bienveillant·e·s. Refuser les échanges houleux pour leur préférer des discussions posées. Certaines personnes font le chemin plus lentement, et d’autres ne le feront jamais. C’est une réalité à laquelle il faut se résoudre et se préparer. Mais ne devenons pas hypocrites en oubliant qu’il nous a fallu du temps également.
Il faut également veiller à ne pas se laisser emporter par une communauté en perpétuelle quête de vertu. Une communauté pour laquelle vous ne serez jamais assez. Pas assez militant·e. Pas assez engagé·e. Avec une ostracisation des vegans considérés mous et molles. Une injonction permanente. Sous prétexte de n’avoir que l’abolition totale comme unique objectif, on oublie d’accueillir chaque avancée positive comme une étape qui y mène.
C’est aussi nier la réalité qui fait que pour une énorme partie de la population mondiale, se nourrir est déjà un luxe. Choisir ce que l’on mange est un rêve pour beaucoup trop d’entre nous, et pas seulement dans des pays défavorisés. Pensons aussi aux jeunes qui ne peuvent pas faire ce choix tant qu’iels vivent chez leurs parents.
Le monde ne se réveillera pas vegan à 100% demain, alors essayons peut-être plutôt d’aider les personnes désireuses d’avancer dans ce sens. 1% par 1%.
J’ai fini par fuir cette communauté pour n’en garder que mes proches avec qui nous voyons le monde évoluer de la même façon. Je milite à ma façon. Une façon, je l’espère, plus bienveillante. En évitant de gaspiller mon énergie à vouloir convaincre la terre entière du jour au lendemain, mais en répondant plutôt aux personnes réellement intéressées par les raisons et implications de ma décision.
Je vous dresse un portrait réaliste de ce que cela représente d’être vegan. Ce n’est pas toujours facile. Mais j’avais envie de finir cet épisode par une bonne nouvelle.
C’est de plus en plus facile de faire une transition.
Si je compare la situation avec celle d’il y a 5 ans, les alternatives disponibles en grandes surfaces ont explosé.
Le choix n’a jamais été aussi vaste et qualitatif que ce que vous pouvez trouver dans les commerces spécialisés. Les restaurateurs spécialisés poussent comme des champignons et les options vegan dans les autres deviennent de plus en plus fréquentes, et ce même dans les grandes enseignes. C’est surtout vrai dans les grandes villes, mais la tendance est à la croissance de l’offre et je suis certain·e que ce n’est pas prêt de s’arrêter. Bientôt, j’en suis certain, on en trouvera presque partout.
Alors que la planète agonise et qu’un grand nombre de personnes ont envie d’un changement, je pense que c’est encourageant pour le futur de voir ces options présentes et plébiscitées.
Je vous avais promis d’éviter au maximum tout prosélytisme, j’espère avoir réussi. Mais si vous désirez en savoir plus… comprendre pourquoi ce choix est définitivement le bon si vous en avez la possibilité, alors vous trouverez un lien vers de nombreuses ressources dans la description de cet épisode.